17/11/2009

La serre #12

Le MOF (ancienne école)
46 rue Franklin 42000 Saint-Étienne
22h—…
La Serre #12 : Musique traditionnelle du Massif Central / Fred Bigot, Vincent Epplay, Arnaud Maguet / Aqua Nebula Oscillator / François Daillant / Tom Marioni (représenté par Boris Achour).
plus d'infos sur le programme :
http://a-r-c-a-d-i-a.blogspot.com/2009/08/vendredi-23-octobre-sexcentrer-en_26.html

Musiques traditionnelles du Massif Central
http://www.youtube.com/watch?v=bcDT_tSQrGc


Fred Bigot, Arnaud Maguet, Vincent Epplay
http://disques.rotin.free.fr/index1.html#production


Aqua Nebula Oscillator
http://www.myspace.com/aquanebulaoscillator


François Daillant



Tom Marioni, The act of drinking beer with friends is the highest form of art, 1970-2009
(représenté par Boris Achour)
http://www.tommarioni.com/

19/10/2009

Dan Graham, « Arcadia », 1989

"Ce texte est un script pour un film qui sera à la fois un récit de science-fiction et un documentaire éducatif à propos de la relation de la cité moderne à Arcadie. Il s’agira d’une allégorie de la relation de la cité à son « autre », une lecture commençant avec l’Abbé Laugier et Jean-Jacques Rousseau en passant par les « arcadies » hippies des années 60 (un rêve à peine achevé et déjà presque complètement oublié, mythique et inaccessible).
La scène se passe quelque part sur la terre, dans un futur indéterminé, dans un cadre proche des représentations de l’Arcadie néoclassique du peintre Nicolas Poussin mais aussi des descriptions de James Fenimore Cooper, typiques de la première époque américaine. Ainsi un groupe de « hippies » néoclassiques vivent ensemble comme des bergers éternellement jeunes. Ils se modèlent sur les idéaux et la culture des hippies des origines, ceux des années 1960. À la différence des hippies, ce sont des Apollon, sans mode de vie dionysiaque apparent. Ce sont des utopistes, des artistes folks. Ils reproduisent les vieilles danses hippies et vouent leurs études à la communication, ainsi qu’à des expériences écologiques et archéologiques. Ils sont à la recherche d’un Equilibre entre l’Homme et la Nature et se considèrent comme responsables de l’intendance de la Terre. La relation de ces néo-hippies à la Culture Hippie originale est similaire à la relation des néoclassiques français aux grecs anciens.
Ils vivent dans une réserve qui contient des restes d’une série de « parcs à thème ». Ces adolescents philosophes enquêtent sur leur passé en explorant les ruines de pavillons à la Disneyland, réactivant leurs écrans vidéo et les multiples diaporamas qui diffusent des images animées d’architectures du passé superposées aux images vidéo d’un genre de parc à thème. Une voix programmée s’élève par dessus ce dispositif visuel et propose une lecture didactique de tout ce matériel historique. Le parc sera représenté par une animation en 3D. Il emprunte son modèle éducatif au parc de la Villette à Paris avec sa Géode, cette sphère de miroirs, et son Musée des Sciences et de l’Industrie, mais la partie des jeux du parc est plutôt modelée selon les principes de Rem Koolhas et non pas selon ceux de Bernard Tschumi. Voici pour l’aspect documentaire éducatif du projet. Une source cruciale d’information pour cette mémoire historique est un ensemble de disques de hits du passé. Les chansons sont légèrement différentes de celles de notre présent car ce film propose une autre réalité. Par exemple, Marianne Faithful pourrait être la chanteuse des Rolling Stones et connaître la même carrière que Jim Morison et les Doors.
Les néo-hippies découvrent qu’ils sont sous surveillance vidéo. Lors d’une fouille archéologique, ils trouvent des indices sur leur situation réelle. Ce sont des cobayes privilégiés : après une vaste guerre nucléaire, la population mondiale fut relogée dans des cités sous la surface de la terre. Ils furent enfermés là, même bien après que la guerre fut finie et que la surface de la terre fut recouverte de forêts un retour à la normale dont une élite aristocratique su profiter en prenant soin de diffuser de fausses informations télévisées sur les conditions de vie sur terre afin d’empêcher la population d’émerger du sous-sol. C’était intéressé, mais cela trouvait aussi une justification morale : si les masses remontaient, la surpopulation détruirait l’équilibre écologique précaire et pourrait provoquer une autre guerre catastrophique. Les néo-hippies étaient donc sans doute les enfants de ces classes dirigeantes, envoyés dans cette nature préservée comme dans des tours d’ivoire, pour apprendre à gérer le dilemme insoluble de leurs parents, celui de la relation de l’homme à la terre. L’endroit où se trouvent les parents est obscur. Ils peuvent être morts ou partis pour une autre planète… La découverte de l’existence de masses opprimées sous la terre suscite chez les néo-hippies des questions quant aux utopies qu’ils ont développées au contact des pavillons du parc à thème. Ils sont pétris de culpabilité. Certains sombrent dans des rituels décadents, des jeux inspirés des peintures de Watteau et de Warhol. Leur culpabilité est équivalente à celle éprouvée par les hippies des années 60 lorsque la guerre du Vietnam fut terminée et qu’ils réalisèrent que leur propre plaisir obsessionnel était aux dépens de ceux qui étaient partis au « Nam » et qui n’en revinrent jamais ou furent anéantis par leurs expériences. Comme dans la peinture de Poussin, lorsque les jeunes Bergers d’Arcadie découvrent sur une tombe l’inscription : « Et in Arcadia Ego » qui dit, « Nous aussi, vécûmes en Arcadie », la mort fait alors son entrée dans l’Arcadie néo-hippie. Ils vivent désormais dans un cimetière. Et bien qu’ils aient été programmés pour croire qu’ils sont humains, ces néo-hippies comprennent d’après certains signes qu’ils sont en fait les sujets d’une expérience menée par une société scientifique qui leur serait contemporaine ou à peine plus récente. Ils ne vieillissent pas et ont été probablement « gelés » dans leur développement pour échapper à la peste et aux maladies provoquées par la guerre nucléaire ou venues des cités souterraines opprimées. Le parc dans lequel ils vivent est à la fois « Strawberry Fields » et « Elysian Fields», un modèle inspiré de la conception de la « Nature » selon Laugier et de celle de « l’Homme Naturel » selon Rousseau, qui sont eux-mêmes des contre-modèles des premières cités bourgeoises. Des « Elysian Fields » similaires étaient construits sous la forme de jardins dans des cimetières. Les premiers urbanistes des cités bourgeoises, avec leur compréhension des maladies et leurs nouvelles mesures d’hygiène, firent déplacer les cimetières des églises intra muros à l’extérieur des villes. Ces jardins de cimetières était paysagés pour suggérer un paradis, un « Elysian Field ». Les gens visitaient ces sortes de parcs pour communier à la fois avec la nature et avec l’esprit des défunts chéris. Le cimetière en Arcadie était une utopie. L’architecture dans laquelle les néo-hippies vivent est constituée de « huttes primitives » dont l’existence réveille le rêve de Rousseau d’un retour à la nature et aux formes élémentaires grecques dans un état non corrompu, un rêve énoncé comme une critique de la cité polluée. Les idéaux portés par ces néo-hippies rappellent aussi ceux des premières communautés utopistes implantées en Amérique et la croyance que l’Amérique était un nouvel Eden, que l’Homme pourrait tout recommencer, qu’il pourrait faire là l’expérience de la tabula rasa, un idéal expérimenté par les Shakers, les Mormons et d’autres. "

Dan Graham, « Arcadia », in The Silent Baroque (cat.), curated by Christian Leigh, Ed. Galerie Thaddaeus Ropac, Salzburg, Autriche, 1989, p. 64
(traduit de l’américain par Emilie Renard)

18/10/2009

Dan Graham ne viendra pas non plus le 21 novembre

Malheureusement, Dan Graham ne pouvant être là le samedi 24,
il reportait sa venue à Saint-Étienne au 21 novembre,
mais l'agence de voyage de l'école a bêtement perdu son billet d'avion, nous privant de sa présence.

26/08/2009


Arcadia, Grèce, zoom sur google map jusqu'à
Lousios Gorge, Central Peloponnisos

L’Arcadie est le décor de scènes champêtres sur fond de paysages bucoliques, celui d’une nature abondante peuplée de jeunes bergers joueurs de flûte implicitement heureux, vivant dans une harmonie primitive avec les bêtes, dieux, demi-dieux, déesses, femmes innocentes et légèrement vêtues… La difficulté de décrire un mythe — autrement que de façon approximative et sans un sentiment de déjà vu — tient à son évidence : le mythe arcadien survit dans les représentations collectives comme un stéréotype, il traîne avec lui une part figée de pittoresque, d’images d’Épinal et de gros titres. Voilà donc le cliché grossièrement répété. Dans les faits, l’Arcadie est une région montagneuse du Péloponnèse grec. Elle est décrite, deux siècles avant J-C, par Polybe dans son livre d’histoire et réapparaît deux siècles plus tard dans la littérature latine chez Ovide et Virgile. Ainsi passe-t-elle en deux cents ans d’une réalité historique — une terre isolée et hostile, habitée par un peuple rustre — à un mythe poétique — une idylle collective où les règnes humain, animal et divin fraternisent sans hiérarchie. Au tournant de l’ère grecque et de l’empire romain, l’Arcadie est donc à la fois une source de rêveries nostalgiques associée à l’Âge d’Or et un espace esthétique à part entière, capable d’exister à nouveau grâce aux charmes de la musique et du chant, dans l’espace même de l’art poétique. Riche de cette double origine — un lieu à la fois terrestre et poétique — elle est réapparue dans l’histoire précisément aux moments d’espoirs de changements politiques et artistiques radicaux.

Ettore Sottsass, Il pianeta come festival, 1973
Lithographie mise en couleur par Tiger Tateishi
68,7 x 49,8 cm
coll. Centre Goerges Pompidou, Paris

Au début du XXe siècle en Europe, l’Arcadie est porteuse d’utopies sociales. Son organisation horizontale fera d’elle le modèle de sociétés anarchistes, collectives et créatives. Ils seront alors quelques-uns à tenter l’expérience communautaire d’un retranchement loin des centres urbains (comme au Monte Verità, en Suisse). Le modèle arcadien réapparaît dans les “contre-cultures” des années 1960-70 qui agissent comme des îlots de résistance face à une “culture dominante”. En 1967, Michel Foucault1 reprend cette opposition dans “Des Espaces Autres”, lorsqu’il définit les “hétérotopies” comme des “contre-emplacements, sortes d’utopies effectivement réalisées dans lesquelles les emplacements réels, tous les autres emplacements réels que l’on peut trouver dans la culture sont à la fois représentés, contestés et inversés.” Paradoxalement, au-delà de la force émancipatrice de certaines expériences arcadiennes, ce retrait volontaire du cours de l’histoire et des concentrations urbaines en constitue en même temps les limites, les maintenant dans des formes nostalgiques d’autarcie aux effets mortifères. Cette dynamique contradictoire des contre-cultures traverse toute l’histoire culturelle nord américaine, depuis les premiers colons fédérés en colonies religieuses jusqu’aux mouvements rocks dont Dan Graham décrit les filiations dans Rock My Religion (1982-84). Quant aux communautés hippies, Dan Graham ironise sur leurs dérives autoritaires dans un texte intitulé ”Arcadia” (1989) où de candides “néo-hippies” errent sur un champ de ruines post-apocalyptique, manipulés par des parents absents. Dans une autre version, Walt Disney, animé par la vision d’un monde meilleur, est lui aussi un grand concepteur de contre-emplacements idéalisés à outrance avec ces modèles de parcs et la ville Celebration.

En s’éloignant des variations propres aux récits antiques, l’Arcadie s’est fixée en une image pâle. Mais plutôt que d’en exhumer les vestiges, ce colloque doublé d’un festival propose de suivre les détours et filiations de ce mythe, d’en reprendre les stéréotypes comme les expressions les plus singulières pour en saisir les métamorphoses actuelles. Il ne s’agira donc pas tant de démystifier l’Arcadie, ni même de la mythifier, que d’en observer ses possibles résurgences et d’en connaître la langue, voire même de la parler. Après la fin avérée des utopies modernes et les désenchantements provoqués par des contre-cultures vieillissant mal, quelles seraient aujourd’hui les conditions d’existence d’une Arcadie collective ? Seraient-elles celles d’un lieu ou celles d’un moment ? Seraient-elles fixes ou variables ? Peut-on être à la fois dedans et en dehors d’une quelconque Arcadie ? Une œuvre, une fête, une école d’art, un bar peuvent-ils basculer dans des “espaces autres” ? Peut-on s’excentrer en Arcadie sans nostalgie ? Autant de questions dont ces deux jours proposent une expérience.

25/08/2009

LE PROGRAMME DU COLLOQUE-FESTIVAL

un colloque - festival
vendredi 23, samedi 24 octobre 2009
École supérieure d’art et design (nouvelle école)
La Platine : Auditorium
3 rue Javelin Pagnon 42000 Saint-Étienne

LE PROGRAMME

vendredi 23 octobre 2009 : S’EXCENTRER EN ARCADIE

9h—9h30
Introduction au colloque par Emmanuel Tibloux et Émilie Renard.

9h30—12h30
L’école d’art, quel modèle collectif ?
modérateur : Emmanuel Tibloux
Stéphanie Moisdon, Clémentine Deliss, Christophe Kihm.

14h—18h
Tout n’est pas si rose dans les jardins d’Arcadie.
modératrice : Catherine Maumi
Catherine Maumi, Xavier Vert, Roberto Gargiani.

Le MOF (ancienne école)
46 rue Franklin 42000 Saint-Étienne
22h—…
La Serre #12
François Daillant, Musique traditionnelle du Massif Central, Aqua Nebula Oscillator, Fred Bigot,
Vincent Epplay, Arnaud Maguet, Mix DJ Shazulla, Tom Marioni (représenté par Boris Achour).

***
samedi 24 octobre 2009 : PARLER L’ARCADIEN

10h—12h30
Et in arcadia come all!
modératrice : Émilie Renard
Tiphanie Blanc, Fabien Vallos.

14h—18h
Et et, au lieu de ou ou, au lieu de ni ni
modérateur : Philippe Roux
Zahia Rahmani, Jacques-Henri Michot, Nathalie Quintane.

20h30—23h
Arcadia Borderlines (ou la trop-pas utopie)
Film réalisé par des étudiants de l’Esadse, dans le cadre d’un workshop mené par Sandy Amerio du 23 mars au 3 avril 2009. (10’)

Dan Graham
modérateur : Dean Inkster
conférence de Dan Graham et projection de Rock my Religion (1982-1984). (55’)

***
En marge
La Platine (nouvelle école)
Les archives / Joachim Mogarra / Zeitspielraum.

VENDREDI 23 OCTOBRE : S’EXCENTRER EN ARCADIE / LE MATIN

9h—9h30
Introduction au colloque par Emmanuel Tibloux et Émilie Renard.

9h30—12h
L’ÉCOLE D'ART, QUEL MODÈLE COLLECTIF ?
modérateur : Emmanuel Tibloux
À partir d’exemples d’écoles d’art singulières, historiques ou actuelles, on s’interrogera sur ce qui fait la spécificité d’une école d’art dans le champ de la recherche, sur sa capacité à expérimenter et à risquer des dispositifs de transmission, à tirer parti de l’hétérogé¬néité de ceux qui la composent. À une autre échelle, on reviendra sur cette période si particulière dans le parcours d’un étudiant inscrit au sein d’une dynamique collective.
Ettore Sottsass, Il pianeta come festival, 1973
Lithographie mise en couleur par Tiger Tateishi
68,5 x 50 cm

coll. Centre Goerges Pompidou, Paris

Stéphanie Moisdon
(critique et curateur)
Elle présentera les enjeux de “l’école de Stéphanie”, une école temporaire qui propose des “cours” donnés par des artistes, philosophes, critiques, chercheurs ou écrivains, sous forme de dialogues, de présentations de projets ou de performances qui se déroulent dans une véritable classe conçue par l’artiste Pierre Joseph.

Clémentine Deliss
(critique et curateur)
Elle interviendra à propos de la “Future Academy” qu’elle dirige au Edinburgh College of Art. Il s’agit d’un laboratoire de recherche sur des méthodes de transmission et de circulation d’un savoir immatériel. La “Future Academy” se développe avec des groupes d’étudiants volontaires à Edinburgh, Dakar, Bangalore, Tokyo, Yamaguchi, Melbourne, Kassel, Oregon, Patras et Ljubjlana au sein d’institutions artistiques et scientifiques.

Christophe Kihm
(critique et curateur)
Un art d’enseigner.
Il reviendra sur une conception de l’enseignement artistique qui, poursuivant le mot d’ordre moderne stipulant la réconciliation de l’art et de la vie, en renouvelle les formes et en applique les présupposés sur des plans esthétique, pédagogique et éthique. Si l’on admet ici que l’art ne s’enseigne pas, c’est pour préciser immédiatement qu’il est un “art d’enseigner” qui investit pleinement les missions de la transmission. Cet art d’enseigner, qui engage une expérimentation de l’enseignement et de la pédagogie eux-mêmes, est entendu comme un “savoir savoir transmettre”.

12h—12h30
discussion

VENDREDI 23 OCTOBRE : S’EXCENTRER EN ARCADIE / L'APRÈS-MIDI

14H-18H : TOUT N’EST PAS SI ROSE DANS LES JARDINS D’ARCADIE.
modératrice : Catherine Maumi
Sur quelques expériences arcadiennes, des contre-utopies et leurs dérives autoritaires.
Ettore Sottsass, Il pianeta come festival, 1973
Lithographie mise en couleur par Tiger Tateishi
69 x 52 cm
coll. Centre Goerges Pompidou, Paris

Catherine Maumi
(architecte, chercheur et enseignante)
Entre Wilderness et Jardin du Monde, le mythe d’Usonia. L’Union des États-Unis s’identifie, dès sa fondation, comme la “nation de la nature” ; le mythe sur lequel se fonde la nouvelle démocratie fait référence à celui de la pastorale, à une civilisation constituée majoritairement de petits agriculteurs indépendants, égalitairement répartis sur le sol du Nouveau Monde et s’épanouissant au contact de la nature, loin des vices, corruptions et miasmes de la grande ville. Ce mythe, à l’origine d’une idée du monde habité radicalement différente de celle que l’on connaît alors en Europe, sera qualifié, au XXe siècle, d’anti-urbain. Anti-urbain, en effet, si l’on se donne comme référence le modèle diffusé par la culture européenne. De fait, cet idéal de la Pastorale a donné naissance à un mode d’urbanisation spécifique au territoire des États-Unis, mode d’habiter bien souvent incompris car conçu en opposition à l’idéal promu par la culture européenne.

Xavier Vert
(historien de l’art)
Et in Disneyland ego.
“Il y a quelques années, j’étais assis dans le wagon-restaurant à bord d’un train Southern Pacific qui allait de Los Angeles à Santa Barbara, et j’ai surpris la conversation de Walt Disney, qui s’étendait sur son sujet favori — Disneyland. Il révélait, entre autres, que la peau des singes du Pays de l’aventure n’était pas en fourrure de singe, mais en matière synthétique. ‘– On a essayé de vraies peaux de singe, disait-il. Elles sont devenues miteuses. On a préféré le nylon.’ C’est probablement ça le secret de Disneyland. C’est mieux que la réalité.” (Jack Smith, The Big Orange). Dans l’organisation de ses parties constitutives, le monde voulu par Walt Disney réalise, selon l’analyse méticuleuse qu’en a donné Louis Marin, une forme dégradée de la fiction utopique. Le principe de Disneyland est un principe de mortification : il suppose l’opération réitérée et performative par laquelle l’utopie se dégrade en hétérotopie dominante ou totalisante ou, si l’on préfère, selon laquelle une hétérotopie festive se condense autour du noyau idéologique utopique en l’immobilisant dans le spectacle de sa perfection, de son harmonie. Ce que Paul McCarthy aura perçu mieux qu’un autre et tenté de subvertir par des moyens carnavalesques. Le travail de l’artiste américain consiste alors à réintroduire du jeu entre le fantasme et l’imaginaire, la représentation devenue réelle et le réel devenu représentation, l’accumulation et la consommation, entre le signe et la marchandise, par un dérèglement paroxystique et parodique du lexique et de la syntaxe qui gouverne le bon usage de la totalité. Cette constatation alors : Disneyland exemplifie au temps de l’économie marchande généralisée le destin de toute utopie réalisée.

Roberto Gargiani
(architecte et théoricien)
Il reviendra sur la No-Stop City conçue par le groupe italien Archizoom Associati actif entre 1966 et 1974 à Florence et qui s’associa avec Superstudio pour créer une série de projets de design, de stylisme, d’architecture portés par des visions urbaines à l’échelle d’un territoire sans limites. Si la No-Stop City décrit une ville sans limites, avec éclairage et aération artificiels, à inverse de l’aspect bucolique et champêtre de l’Arcadie, elle ne propose pas moins les conditions d’une vie en rupture avec le reste du monde et constitue une vision critique de la culture de masse qu’elle projette. Une utopie critique destinée à n’exister que sur plan. Archizoom étaient des supporters d’une révolution culturelle promise par Malcolm X. Leurs productions témoignent de leur volonté de produire des objets à haute valeur symbolique et de leur vision pop d’une architecture polychrome, festive, proche de la fête foraine. Ils proposaient des modes de vie pour une humanité libérée des contraintes du fonctionnalisme de l’architecture moderne, luttant pour l’expression de cultures alternatives et pour des modes de vie non conformistes, héritiers d’une contre-culture en opposition radicale avec les visions universalistes des utopies modernes.

Archizoom Associati Dressing Design, 1972
Photo d'Oliviero Toscani dans le studio des Archizoom Associati
vêtements portés par Dona Jordan et un ami des Archizoom

17h : pause / 17h30—18h : discussion

VENDREDI 23 OCTOBRE : S’EXCENTRER EN ARCADIE / LE SOIR

22H-…: LA SERRE #12
La Serre programme régulièrement à l’Esadse des concerts, workshops, dispositifs d’écoutes et performances sonores. Elle a pour membres fondateurs Jean-Baptiste Sauvage, Jérémie Sauvage et Jean-Marie Courant.
http ://la-serre.blogspot.com

Lieu de la soirée :
Le MOF (ancienne école)
46 rue Franklin 42000 Saint-Étienne

François Daillant
Installation sonore et édition
La Serre #12 (entretien avec François Daillant sur sa pratique et son rapport au monde des raves.)
Musique traditionnelle du Massif Central
Dans la vaste sphère des musiques traditionnelles, ces musiciens effectuent un travail de collecte qui leur permet de rassembler de nombreuses données sur les répertoires, les instruments, l’interprétation, et le cadre rural dans lequel cette musique s’est développée. Ils créent plusieurs ensembles musicaux aux répertoires et aux styles
variés, et surtout, entretiennent une relation vivante et spontanée aux musiques traditionnelles.

Aqua Nebula Oscillator
Psychédélique / Garage / Expérimental

Fred Bigot / Vincent Epplay / Arnaud Maguet
Musique pour les plantes des dieux
Face A : Passée la saison
du pandanus, dansons l’iboga boogie sous le volcan exactement
Face B : Two Mushrooms In My Room And Beau Delay In Your Bed
Face C : San Pedro (sans personne) goûter au Mind Garden et passer dans le monde bis
Face D : D’une boucle à l’autre par la salvia varie la place de l’espace

Mix DJ Shazulla

Tom Marioni
The act of drinking beer with friends is the highest form of art, 1970-2009
En 1970, Tom Marioni fonde le “MOCA, Museum of Conceptual Art” au musée d’Oakland qu’il inaugure avec une performance explicitement intitulée : “L’acte de boire de la bière avec des amis est la plus haute forme d’art”, le décrivant ainsi : “D’une certaine façon, l’ouverture de ce musée était un prétexte pour faire la fête.” À partir de 1973, le MOCA siège dans son atelier à San Francisco jusqu’en 1984. Ensuite Tom Marioni a répété l’expérience dans de nombreux musées et encore aujourd’hui, il tient salon chaque mercredi dans son atelier sous l’enseigne “The Society of Independent Artists”. Il revient sur l’expérience, plus sérieusement peut-être, dans ses mémoires Beer, Art and Philosophy (2003) : “C’était important pour moi parce cela redéfinissait l’Action plutôt que l’Objet comme art. Et boire de la bière était une des choses que j’avais apprise à l’école d’art.” Réouvert pour l’occasion, le bar offre des bières fraîches avec, en fond sonore, un air de jazz, suivant les recommandations de Tom Marioni, représenté cette fois par Boris Achour.
Tom Marioni
The act of drinking beer with friends is the highest form of art, 1970-2009

SAMEDI 24 OCTOBRE : PARLER L’ARCADIEN / LE MATIN

Lieu du colloque :
École supérieure d’art et design
La Platine (nouvelle école)
3 rue Javelin Pagnon, 42000 Saint-Étienne

Si l’Arcadie peut apparaître comme un lieu hors champ, un modèle hors norme, une source de contre-cultures, comment penser son lien avec le sens commun ? Peut-on circuler entre un dedans construit (une communauté constituée) et un dehors chaotique (le reste du monde) ?

10h—12h30 ET IN ARCADIA COME ALL!
modératrice : Émilie Renard
Où il sera question de communautés de courte durée, des sources d’un certain hédonisme juvénile et encore des formes temporaires d’intensités créatives et festives.

Ettore Sottsass, Il pianeta come festival, 1973
Lithographie mise en couleur par Tiger Tateishi
69 x 52 cm
coll. Centre Goerges Pompidou, Paris


Tiphanie Blanc
(curateur et chercheuse)
Monte Verità un siècle après.
En 1870, l’anarchiste Michael Bakounine s’installe à Locarno, au bord du lac Majeur en Suisse. Suivent alors de nombreuses personnalités de l’intelligentsia européenne — Ida Hofmann, Henri Œdenkoven, Karl et Arthur Gräser ¬— qui s’établissent, dans la première décennie du XXe siècle, sur une colline dominant Ascona et qu’ils rebaptisent “Monte Verità”. Adeptes d’une nouvelle philosophie associant naturalisme, théosophie, végétarisme et nudisme, ils prônent un “communisme paléochrétien” et créent la coopérative “vegetabiliana”. Nombreux sont ceux qui y séjournent alors jusque vers 1920, artistes, chorégraphes, écrivains, tels Isadora Duncan, Alexej von Jawlensky, Hugo Ball, Hans Arp, Hans Richter, Oscar Schlemmer, Josef Albers, Hermann Hesse… En 1978, le curateur suisse Harald Szeemann organise une exposition à partir des archives et des objets qu’il a collectés sur cette communauté. “La mamelle de la vérité” est la deuxième exposition d’une trilogie autour des thèmes essentiels de son Musée des Obsessions : le célibataire, la maman et le soleil. L’exposition fut d’abord présentée dans la Casa Anatta sur le Monte Verità et sur les îles de Brissago du lac Majeur. Elle voyagea ensuite en Europe jusqu’en 1980 avant de revenir se fixer définitivement dans la Casa Anatta, qui rouvrira ses portes en 2012. Un siècle après le développement de cette “colonie” du Monte Verità, que reste-t-il de cette hétérotopie ? La relecture par Harald Szeemann de ce moment historique permet de comprendre en quoi ce modèle communautaire fut un moment essentiel du développement des avant-gardes européennes. Szeemann souhaitait faire de ce passé méconnu un facteur de transformation sociale. Il y avait vu à juste titre un rôle de précurseur des différents courants New Age et de la contre-culture hippie, mouvements qui font à leur tour l’objet d’études historiques. Mais qu’en est-il des dérives autoritaires de ce modèle de société idéale, ou du moins idéalisée ? À quels aspects des expériences du Monte Verità peut-on se référer aujourd’hui ?

Fabien Vallos
(auteur, traducteur et éditeur)
Il interviendra sur les régimes du festif et sur l’intensité créatrice générée par des moments joyeux de partage collectifs, à propos du livre de Furio Jesi, La fête et la machine mythologique, (1977), ed. Mix, Paris, 2008. “La fête implique une collectivité, elle la saisie comme une main qui l’empoigne et la serre ; simultanément, elle parvient à cette collectivité par un mouvement centrifuge qui se propage à partir du point le plus éloigné des bords externes de la collectivité. Une des caractéristiques de la fête, qui résulte de ce modèle, est sa puissance à déterminer un centre dans la collectivité. (…) Dans l’état festif, il est possible de voir la collectivité dans sa plus grande intimité.”

SAMEDI 24 OCTOBRE : PARLER L’ARCADIEN / L'APRÈS-MIDI

14H-18H : ET ET, AU LIEU DE OU OU, AU LIEU DE NI NI
modérateur : Philippe Roux
Au delà de la dialectique qui oppose une supposée culture dominante à d’hypothétiques multiples contre-cultures, comment circulent les pensées hétérodoxes ? Comment être à la fois dedans et en dehors de l’Arcadie ?

Zahia Rahmani
(écrivain)
Son intervention porte sur la littérature et les arts en général, comme utopie et ambition, comme lieux de la dissonance, du refus de l’ordre et de la contre-écriture. Comment ces derniers deviennent document, archive et lieu d’accueil de ce qui relève d’une existence indigne ou qui ailleurs ne peut se faire entendre. Que ce soit une langue, un homme ou un objet “mineur ou enfoui”. La littérature et les arts seraient les pourvoyeurs d’une “archéologique” à disposition de l’invention et d’une construction collective. En 2008, elle a publié “Le Harki comme spectre ou l’Écriture du déterrement” dans Retours du colonial ? Disculpation et réhabilitation de l’histoire coloniale (éd. Atalante), un texte qui rend compte du travail expérimental qu’elle mène sur les études postcoloniales et ses figures impensées. Elle dirige à l’Institut national d’histoire de l’art un programme de recherche sur “l’art et la mondialisation”.

Jacques-Henri Michot
(écrivain)
Arcadie ou Utopie ?
Jacques-Henri Michot n’écrit pas arcadien. En revanche, le requiert une utopie : celle dont l’Empédocle de Hölderlin a donné une formulation radicale : jeder sei / wie alle — que chacun soit / comme tous. Celle, donc, communiste, de l’égalité. Il parlera de son travail comme de la convocation des encombrements étouffants, des saturations mortifères, des barbaries massives, et de la tentative connexe de déblayer le terrain, de ménager des appels d’air, d’évoquer des pratiques en rupture (amour, art, savoirs, politique à distance de l’État…) – pari, ainsi, de donner au lecteur l’idée (le désir ?) d’œuvrer, avec les moyens de son bord, à faire advenir autre chose – ne fût-ce, dans un “premier” temps, que pour lui-même. Et c’est peut-être dans un tel pari d’écriture que Jacques-Henri Michot verrait clignoter son utopie propre. Lecture sera donnée d’extraits de trois de ses livres : Un ABC de la barbarie (1998), La vingt-trois mille deux cent vingt-septième nuit (2002) et Comme un fracas (2009).

Nathalie Quintane
(écrivain)
Elle lira un texte sur l’Arcadie écrit pour l’occasion selon le principe qui a prévalu à l’écriture de Jeanne Darc, (POL, 1998) ou de Saint-Tropez — Une américaine, (POL 2001) et qui consiste à substituer aux multiples charges — historique, politique, religieuse, romanesque, médiatique, iconique… — encadrant ce mythe, un seul “vêtement” : celui d’une écriture plane, soucieuse du détail négligé (parce que négligeable ou perçu tel).

Francesco Finizio, L'aventure, 2009
photo-montage

17h : pause / 17h30—18h : discussion